Étudiant depuis 2
ans à l’Ecole Normale Supérieure de Rennes, nous nous destinons tous deux aux
métiers de la recherche ou de l’enseignement. En tant qu’élèves d'une Grande
École publique, nous bénéficions de conditions d’études très favorables pour y
parvenir : qualité pédagogique et matérielle de la formation, statut de
fonctionnaire rémunéré, réseau, étiquette sociale… L’Etat investit, de fait,
massivement sur une poignée d'étudiants privilégiés. En contrepartie, ces
derniers sont soumis à l'impératif de "rendre" ce qu'ils ont
"reçu", notamment formalisé par un engagement de 10 années dans la
fonction publique.
Pourtant, nous
faisons l'expérience dans nos cercles que cet attachement au secteur public ne
va pas toujours de soi pour une partie des élèves, attirés par d'autres types
de carrières, jugées souvent plus confortables. La pratique croissante du
pantouflage en est une illustration probante, l'intérêt personnel prenant le
pas sur l'intérêt général dans un contexte sociétal marqué par l'individualisme
et l'utilitarisme. Ce thème nous ouvre également à des problématiques plus
globales, auxquelles sont confrontés 5,6 millions de fonctionnaires, - conflits d’intérêts, perméabilité
public-privé, devoir de réserve et probité - qui impactent directement la vie
démocratique et la confiance envers les institutions.
La situation
décrite motive notre engagement dans ce concours, avec un sujet déjà tout tracé
de par la place centrale qu'il occupe dans nos discussions. La rédaction de cet
essai a aussi été pour nous l'opportunité de questionner plus en profondeur
notre condition particulière. Partant de l'ensemble des avantages que nous
recevons en tant qu'élèves fonctionnaires, nous avons argumenté la nécessité de
"rendre" : ce que nous appelons "une éthique du contre-don"
dans une perspective anthropologique.
Puisque qu'avant de
"rendre", il s’agit de prendre conscience que l'on est soi-même
"endetté", nous espérons que l'argumentaire présenté participe, à sa
modeste échelle, à réhabiliter la place de l’éthique dans nos réflexions
individuelles et collectives pour nos choix de carrière, afin d’oeuvrer du
mieux possible en faveur de l’intérêt général.